Remise des Trophées 2014
Le 5 juin 2014, la cérémonie de remise des Trophées de l’enseignement et de la recherche en éthique s’est tenue au salon d’honneur du CNAM. Le lauréat en recherche en éthique est Eric Fourneret, attaché de recherches en philosophie à l’Agence de biomédecine, qui a conduit des travaux intitulés : « les arrêts de traitement dans le cadre d’un prélèvement d’organe ».
Il n’y a pas eu de trophée en enseignement de l’éthique, mais un prix spécial du jury, d’un montant de 1000 €, décerné à Isabelle Lavabre, professeur de Sciences de la Vie et de la Terre au lycée international de Saint-Germain-en-Laye pour des cours de sensibilisation à la bioéthique qu’elle mène depuis 2004.
Trophée de la recherche en éthique
Eric Fourneret
Trophée de la recherche en éthique
Eric Fourneret est docteur en philosophie et post-doctorant au Centre d’analyse et d’intervention sociologiques (CADIS – UMR 8039, CNRS), à l’École des Hautes Études en sciences sociales (EHESS). Après une thèse sur l’euthanasie, à l’université d’Amiens, sous la direction du Professeur Sandra Laugier et la co-direction du Professeur Alain Leplège, il poursuit ses recherches et ses réflexions sur les questions morales en matière de santé : « Les oncologues à l’épreuve du dilemme moral : quels outils possèdent-ils ? » (Espace Santé Cancer Rhône-Alpes, Lyon) ; « Les arrêts de traitement dans le cadre d’un prélèvement d’organes » (recherche soutenue par l’Agence de la biomédecine, Paris).
Depuis février 2012, il participe à la recherche « Annonce d’une pathologie cancéreuse à un adolescent ou à un jeune adulte et leurs parents ». Cette recherche s’inscrit dans les Sites intégrés de recherche sur le cancer (SIRIC), soutenus par l’INCa et la DGOS. Ses recherches l’ont conduit également à participer, en tant que membre, à la commission présidentielle sur la fin de vie, sous la responsabilité du Professeur Didier Sicard (2012), et à la Chaire « Éthique et sport » (International Center for Sport Security – ICSS), de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (2012-2014).
Résumé de ses travaux
Peut-on prélever les organes d’une personne en fin de vie après avoir décidé d’arrêter ses traitements ? Les donneurs décédés après un arrêt cardiaque constituent, depuis la réunion de Maastricht de 1995, une source d’organes réactualisée pour répondre au besoin croissant de demandes de greffe. Si certains pays les ont autorisés, la catégorie dite « Maastricht 3 » suscite un questionnement éthique majeur. En effet, ces donneurs pour lesquels un arrêt des thérapeutiques actives fut décidé interrogent par le contrôle de l’arrêt cardiaque, mais aussi par la reprise d’un massage cardiaque, selon les protocoles, intervenant deux minutes ou dix minutes après la cessation des battements du cœur et la déclaration du décès. Certains ont qualifié ce type de prélèvement de « cannibalisme », indignés par cette optimisation de la conservation des organes. Ces donneurs sont-ils réellement morts ? N’existe-t-il pas un conflit d’intérêt entre le malade-donneur et la personne en attente d’une greffe ? Si la France pratique les prélèvements après un arrêt cardiaque inopiné (depuis 2005), tel un infarctus survenu sur la voie publique, elle n’a pas pour l’instant autorisé le Maastricht 3. Mais la référence à la pénurie d’organes dans le discours politique et sociale se fait de plus en plus pressante. En France, sommes-nous prêts pour inclure les malades en fin de vie, les personnes cérébrolésées, celles en état végétatif chronique et bien d’autres encore, dans une procédure de prélèvement Maastricht 3 ? En situant le débat dans la relation complexe entre l’homme et la technique médicale, puis par l’exploration des discours narratifs et argumentatifs de professionnels de santé français impliqués dans les prélèvements à partir de donneurs après un arrêt cardiaque inopiné, enfin par le recours aux théories morales pour mieux comprendre les différents arguments en présence, cette réflexion a pour objectif d’aider à mieux comprendre les enjeux moraux des arrêts de traitements à propos des greffes.
Trophée de l’enseignement de l’éthique
Isabelle Lavabre
Trophée de l’enseignement de l’éthique
Isabelle Lavabre est professeur de Sciences de la vie et de la terre au lycée international de Saint-Germain-en-Laye depuis 2004. Elle a été, de 2003 à 2005, membre du groupe Sciences de l’univers au ministère de la Jeunesse, de l’Éducation nationale et de la Recherche, Technologies de l’information et de la communication pour l’enseignement scolaire et, de 2007 à 2009, professeur relais SVT au CRDP de Versailles. Actuellement membre du groupe de travail « Éthique des sciences » de la Commission nationale française pour l’UNESCO (CNFU) et membre du groupe de réflexion éthique du CHIPS, Centre intercommunal hospitalier Poissy/Saint-Germain-en-Laye, elle prépare chaque année ses élèves pour des interventions lors des journées annuelles du Comité consultatif national d’éthique.
Elle a publié « Enseigner la bioéthique dans le secondaire en France », paru dans la revue n° 2-3 de Juin-Septembre 2013 du Journal international de bioéthique et a participé à la rédaction d’un article « Donner la vie après la mort ou la procréation post-mortem » paru dans le numéro 31 d’Août-Septembre-Octobre 2011 de Science magazine, trimestriel de chez Laffont-presse.
Résumé de son enseignement
« Lorsque j’ai repris et développé le groupe de réflexion de bioéthique du Lycée international en 2004, il m’a semblé indispensable de lui donner au sein de l’établissement, mais aussi à l’extérieur de celui-ci, une dimension en temps et en espace plus importante et valorisante pour les élèves y participant. Ceux-ci sont volontaires, de classes de premières et de terminales des séries littéraire, économique ou scientifique et suivent un double-enseignement dans une des quatorze sections internationales de la cité scolaire de Saint-Germain-en-Laye.
L’objectif principal est de répondre à une attente du Comité consultatif national d’éthique (CCNE) d’avoir, sur des thèmes en lien entre autres avec les avis qu’il publie, un échange public avec des jeunes leur confiant leur réflexion de lycéens. Cela nécessite de faire découvrir et s’approprier le questionnement éthique et d’épauler les élèves dans l’élaboration de leur réflexion tout en la respectant et en instaurant une capacité d’écoute et de prise en compte d’avis divergents et multifactoriels. Cependant, il ne s’agit pas de réaliser un travail « uniquement scolaire » ou de garder cette réflexion pour soi, mais aussi de la faire connaître et susciter chez eux l’envie de la partager entre eux, avec les autres élèves, avec leurs proches, avec des adultes spécialistes ou non, voire avec la société : emmener le débat en dehors du groupe et faire réfléchir.
Ce projet rentre dans le cadre d’enseignements relevant de ce que l’on voit apparaître ces dernières années dans les cursus du secondaire ou du post-baccalauréat en France sous l’appellation « apprendre autrement » et, plus précisément dans mon cas et tout récemment, de l’accompagnement personnalisé de la dernière réforme du Lycée. Le questionnement éthique est un moyen d’instaurer le respect, l’écoute, la confiance, la prise de responsabilité mais aussi d’apprendre à s’informer, à réfléchir et à partager sa réflexion. Ce type d’apprentissage me semble essentiel pour la construction des adultes de demain, à une époque exposant à une multitude de sources d’informations et de connaissances, et dans une société à la recherche quasi-omniprésente de la performance et de la rentabilité. »